dimanche 19 juin 2016

"Déraillements" des surdoués

Dans la médecine du travail, nous nous occupons de l'interaction travail-individu au sens large.
Un ouvrier qui soulève des charges lourdes et développe des lombalgies, un boulanger avec une allergie à la farine et un comptable mal installé devant son matériel informatique avec des TMS sont des situations courantes dans notre métier. Il s'ajoute un nombre croissant de RPS à cause de pression, de surcharge d’activités et de conflits au niveau professionnel.

Avec les surdoués, ce n'est pas vraiment différent mais plus difficile à déceler. Il faut "creuser" un peu.
De nombreux surdoués rencontrent des problèmes plus ou moins importants dans leur vie professionnelle.
Le sujet devient presque une question philosophique : considérons-nous un surdoué "inadapté au travail" ou "le travail inadapté au surdoué" quand les choses se passent mal ?
Souvent les salariés présentent des signes de "burn-out": ils acceptent une surcharge de travail illimitée, ils ne savent pas s'arrêter, ils s'investissent trop, jusqu'à l'épuisement, puis ils n'arrivent plus à faire face aux exigences (perçues) du travail. Les signes peuvent être somatisation, dépression, excitation, dépersonnalisation et fatigue. Avec un surinvestissement suivi par un décrochage via arrêts maladies de plus en plus fréquents ou longs.

Le retour après arrêt de travail peut aussi devenir une source croissante de conflits au travail. La personne est vue comme agressive, chaotique ou le contraire, moins motivée, passive et de plus en plus renfermée.

Les surdoués peuvent également vivre un phénomène du "bore out": décompensation par l'ennui: le sentiment d'un travail inutile, ennuyeux et peu intéressant. 

L'impossibilité de prendre du recul, le fait de « ruminer » les problèmes, la frustration, l'auto-culpabilisation, le sentiment de solitude allant jusqu'aux idées noires sont souvent vues en consultation.

Il est utile de questionner le salarié. Par exemple, vous pouvez lui demander :
      quel est le contenu de son travail,
      comment il vit son travail : intéressant, utile, possibilités de se développer, autonomie,
      s'il vit des conflits de valeurs, des conflits éthiques,
      comment il perçoit son entourage et notamment sa hiérarchie, 
      s'il se sent en souffrance au travail,
      quel  est son "cursus laboris": sur quels postes / dans quelles entreprises il a travaillé avant, avec quel résultat. Souvent il a vécu des "échecs professionnels" dans le passé, ou il a effectué un parcours atypique,
      quel parcours scolaire il a effectué.

Attention aussi aux résultats excellents au collège ou lycée (notes élevées et sauts de classe), aux multiples cursus, mais aussi aux problèmes que peuvent vivre les enfants précoces : ennui, hyperactivité, distractions / rêverie, abandon d'études, échecs scolaires.

Comme décrit dans le tableau dans l’article « Les pièges pour les surdoués », l'entourage professionnel peut avoir une vision très différente sur le fonctionnement de la personne. Il peut être intéressant de récupérer l'avis de ce dernier.



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